Serge Klarsfled, la parole des témoins

Préface de Serge Klarsfeld dans Avoir 16 ans à Auschwitz, Mémoire d’un juif hongrois, de Nicolas Roth, Éditions Le Manuscrit/Fondation pour la Mémoire de la Shoah, 2011

En l’an 3000, quand un Terrien voudra savoir ce qu’était le camp d’Auschwitz-Birkenau, il disposera d’ouvrages historiques détaillés lui expliquant le fonctionnement des chambres à gaz et les étapes successives de la construction du camp, lui décrivant les différents types de baraques, lui montrant les photos des principaux cadres et gardes… Il pourra apprendre de nombreuses données de base dont l’acquisition lui sera précieuse pour une connaissance historique précise, mais ce sera grâce aux témoins qu’il pourra à son tour entrer dans ce camp et ressentir ce que cela signifiait d’être un Juif déporté et interné à Auschwitz.

Les témoins ne sont pas tous des survivants. Il y a ceux qui ont écrit pendant qu’ils œuvraient au Sonderkommando, sachant qu’ils allaient périr à leur tour, qui ont voulu témoigner de ce qui se passait dans les crématoires, qui ont enfoui leurs manuscrits et qui ont réussi envers et contre tout à témoigner sur le vif dans une situation existentielle paroxystique à laquelle ils ne pouvaient échapper. Il y a ceux qui ont témoigné dès leur libération, sans même être sortis du camp tant le besoin était irrépressible. Il y en a qui ont attendu de reprendre des forces, mais qui l’ont fait très vite, alors que leurs témoignages n’intéressaient que très peu de lecteurs et ont été publiés pratiquement à compte d’auteur. Il y en a qui ont attendu que le sujet soit devenu porteur, qui ont utilisé les notes qu’ils avaient rédigées dans l’immédiat après-guerre et qui ont sollicité leur mémoire encore fidèle. Il y en a, déportés très jeunes, qui, dans leur vieillesse, font un effort méritoire pour revenir au camp, le revisiter surtout tel qu’il était, sans rien y ajouter de ce qu’ils ont pu apprendre plus tard. Ils savent que leur témoignage dépend de leur honnêteté, de leur capacité à pratiquer ce retour en arrière, le voyage dans le temps qui les projette à l’époque où, adolescents, ils ont été aspirés dans cet univers concentrationnaire où sont entrés des centaines de milliers d’êtres humains et d’où ne sont sortis que quelques milliers de survivants.

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Delphine Horvilleur lit Marie Vaislic

Marie Vaislic, née Rafalowicz, 14 ans lors de sa déportation
Déportée de Toulouse à Ravensbrück par le convoi no 81 le 30 juillet 1944

 

Marie naît le 11 juin 1930 à Toulouse.
Après avoir passé la guerre à se cacher avec ses parents, et alors que le Débarquement a déjà eu lieu, Marie, âgée de 14 ans est arrêtée sur dénonciation le 24 juillet 1944 à Toulouse.
Le 30 juillet 1944, elle est déportée dans le convoi 81 qui la conduit, le 9 août, à Ravensbrück. Elle y reste jusqu’en janvier 1945 où elle est évacuée à pieds puis en wagons découverts jusqu’au camp de Bergen-Belsen. Le camp est « ouvert » par les Britanniques le 15 avril 1945. Elle arrive à l’hôtel Lutetia à Paris à la fin du mois de mai puis regagne Toulouse. 

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