Tel Aviv, Gay Paradise

Les annonces publicitaires sont claires : Tel Francisco, Mont Sodome… Israël est le pays le plus « gay-friendly » du Moyen-Orient et Tel Aviv, avec ses plages, hôtels et bars dédiés, est fière de son titre de ville rose. Il faut dire que les homosexuels sont les touristes qui dépensent le plus, d’après une étude de la Gay European Travel Association (www.geta-europe.org), qui estime à 65 milliards de dollars les dépenses annuelles de touristes LGBT européens, auxquels s’ajoutent les 62 milliards annuels des Américains. D’un point de vue économique, la clientèle homosexuelle représente une source de revenu très intéressante : souvent jeune, professionnelle, assez aisée, le plus souvent sans enfants.

Une sacrée manne qui n’a pas échappé au maire de Tel Aviv, Ron Huldai, qui a fait tous les efforts de marketing nécessaires pour faire de sa ville une capitale du tourisme LGBT, au même titre que Berlin, Amsterdam ou Barcelone. Après tout, Tel Aviv possède tous les atouts d’une destination arc- en-ciel : un climat agréable, des plages magnifiques, une vie nocturne animée, une communauté LGBT épanouie et… des hommes et des femmes parmi les plus beaux de la planète. Huldai a alloué 100000 dollars, un tiers de son budget tourisme, à la promotion de Tel Aviv comme ville gay et a obtenu des appuis financiers du ministère israélien du tourisme et de l’association des hôtels israéliens.

L’effort a payé : la ville de Tel Aviv a reçu en 2011 le prix Gay-Cities de la ville la plus gay du monde. À voir le nombre de sites Internet dédiés aux activités roses – festival du film gay et lesbien, Pride annuelle, drag shows, boîtes de nuit, saunas – et une officialisation de certains lieux de rencontres comme le parc de l’Indépendance et surtout la plage du Hilton, on comprend que le marketing du tourisme LGBT batte son plein. Tel Aviv a accueilli 50000 touristes LGBT en 2013, et vraisemblablement le double en 2014.

Le chemin n’a pas été facile, mais la première Gay Pride en 1993 fut marquée par la présence d’un placard installé sur la rue Scheinkin à Tel Aviv, invitant les passants à littéralement « sortir du placard », ou faire leur coming out. Depuis, l’homosexualité n’est plus raison d’exclusion de l’armée et la production culturelle et artistique israélienne a fait bouger les choses : que l’on pense au succès de la chanteuse transsexuelle Dana International à l’Eurovision de la chanson en 1998, au film d’Eytan Fox Yossi et Jagger (suivi de Walk on Water, The Bubble, Yossi) ou aux tubes très nombreux du chanteur Ivri Lider.

Soyons clairs : Tel Aviv est la capitale gay du Moyen-Orient, mais le reste d’Israël n’est pas aussi ouvert. La présence d’une communauté orthodoxe importante fait de la résistance aux maillots de bain moulants et aux couleurs fluorescentes. Pour le maire (hétéro) de Tel Aviv, « les hommes israéliens sont notre plus grande ressource naturelle dans le domaine du tourisme gay. »

Pinkwashing

Le pinkwashing est la promotion par une entreprise ou un État de programmes « gay-friendly » dans le but de cacher d’autres aspects moins reluisants de son activité. Plus Tel Aviv se présente comme la capitale rose et ouverte, plus Israël se voit accuser de pinkwashing : c’est l’un des arguments utilisés par les militants BDS qui visent à boycotter tout ce qui porte un tampon « made in Israel ». Ainsi, le site pinkwatchingisrael.com est dédié de manière obsessionnelle à dénoncer le pinkwashing israélien, « l’utilisation cynique des droits homosexuels pour distraire et légitimer l’occupation israélienne, la colonisation et l’apartheid. »

À voir le nombre record de visiteurs prévus pour la Gay Pride 2015 à Tel Aviv, les touristes LGBT sont plus sensibles aux campagnes vantant les corps bronzés se déhanchant sur une musique disco qu’aux cris d’orfraies des boycotteurs qui, en fin de compte, ne voient en Israël que le mal incarné.