We Remember, un Nouveau site pour se souvenir

Quelques semaines après avoir annoncé la fin de Jewpop, Alain Granat présente, à l’occasion de la Journée de la mémoire des génocides et de la prévention des crimes contre l’humanité, ce 27 janvier, un nouveau site, WE REMEMBER, une plateforme éditoriale dédiée à la transmission de la mémoire de la Shoah, des génocides des Arméniens, des Cambodgiens, des Tutsi du Rwanda.

We Remember

Entretien avec Alain Granat,
fondateur de We Remember

Qu’est-ce que le projet “We Remember”?

J’avais été très impressionné par de nombreux sondages en France, aux États-Unis, au Canada sur la méconnaissance des jeunes quant aux génocides en général et à la Shoah en particulier. Il me semblait essentiel de proposer une autre forme de sensibilisation. Sur Jewpop, je m’étais aperçu avec surprise que les articles sur la Shoah faisaient partie des plus consultés. J’ai voulu utiliser le storytelling pour parler de la Shoah et des génocides des Arméniens, des Cambodgiens et des Tutsis du Rwanda. Nous proposons donc des podcasts, des vidéos, des BD, des sources iconographiques.

Qui voulez-vous toucher? les jeunes? les enseignants?

Ce sont toutes ces cibles à la fois, les jeunes bien sûr mais aussi un outil complémentaire, une autre manière de transmettre l’Histoire pour les enseignants. J’ai un immense respect pour tous les enseignants et chercheurs. Mon but ici est très didactique et j’ai la conviction qu’une BD ou une vidéo peuvent aussi participer de cette transmission si essentielle.
Avec ce site, je veux sortir de la focalisation sur la Shoah pour montrer qu’on peut parler de la transmission de la mémoire en général, qu’il s’agisse de celle de la Shoah ou des génocides du XXe siècle, et même, à plus long termes, des crimes de masse et des crimes contre l’humanité qui perdurent encore en ce moment. Je veux me débarrasser de ce problème de concurrence victimaire souvent évoquée sur les réseaux sociaux.

Et si un jeune vous demande: “C’est quoi, un génocide? Est-ce que cela existe encore?”

C’est d’abord une définition juridique. Mais, fondamentalement, c’est une volonté politique d’éliminer systématiquement un peuple. Quant à ce qui se passe aujourd’hui avec les persécutions contre les Ouïghours en Chine ou les Rohingyas en Birmanie par exemple, cela porte toutes les marques du génocide, mais puisque la caractérisation de génocide est un processus juridique, donc un processus long, a posteriori, on ne peut pas parler aujourd’hui de génocide. Cela n’empêche pas qu’il faille être extrêmement vigilant.

L’Histoire est une histoire de faits. “We Remember” [Nous nous souvenons], cela porte une dimension plus militante…

Oui, c’est un travail de synthèse, d’agrégation de contenus, mais “We Remember” est notre ambition. J’ai été très inspiré par le livre Sortir de l’ère victimaire, Pour une nouvelle approche de la Shoah et des crimes de masse de Iannis Roder, qui est la réflexion de quelqu’un qui a enseigné durant de nombreuses années dans des établissements de banlieue. La manière traditionnelle d’enseigner ne donnait pas les résultats espérés et, dans son analyse, il propose de parler aussi des bourreaux. Avec “We Remember”, nous voulons montrer que les bourreaux étaient aussi des gens assez ordinaires, que ces génocides ont été aussi l’oeuvre de gens “ordinaires”. La mise en parallèle des histoires permet de transmettre cette banalité du mal qui est essentielle pour sensibiliser le jeune public.

Propos recueillis par Antoine Strobel-Dahan