27 janvier : Génocide, crimes de guerre… quelques définitions

Jérusalem – Mémorial de Yad Vashem – sculpture en hommage à Janusz Korczak, représenté avec les enfants de son orphelinat.

Ce 27 janvier, comme chaque année depuis plus de vingt ans, la France marquera la Journée de la mémoire des génocides et de la prévention des crimes contre l’humanité. Le large spectre de cette appellation est propre à la France puisqu’ailleurs dans le monde et pour les institutions internationales, il s’agit plutôt de la Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste.

Née fin 2002 de la volonté des ministres de l’Éducation des États membres du Conseil de l’Europe rapidement suivis par l’ONU, cette journée est fixée par plusieurs pays le 27 janvier, date symbolique de la “libération” du camp d’Auschwitz[1].

Depuis quelques années et plus encore depuis quelques mois, on entend beaucoup les termes de génocide, de crime contre l’humanité, de crime de guerre, etc. Mais de quoi parlons-nous exactement?

Retrouvez des explication plus détaillées pour les points ci-dessous en cliquant sur le concept évoqué.

Un génocide
ce sont donc des actes intentionnels commis dans le but de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux.

Un crime contre l’humanité
c’est un acte grave, délibéré et systématique (meurtre, torture, viol, déportation forcée…) commis contre des civils, soit en temps de paix soit en temps de guerre.

Un crime de guerre
c’est un acte grave, comme le meurtre délibéré de civils ou la torture, commis pendant un conflit armé et interdit par le droit international.

Un crime contre la paix
c’est l’initiation d’une guerre d’agression en violation du principe de non-recours à la force tel que stipulé dans la Charte des Nations Unies.

Le droit international humanitaire (DIH)
c’est un ensemble de règles visant à atténuer les souffrances humaines en temps de conflit armé en réglementant le comportement des parties en conflit pour protéger les personnes qui ne participent pas directement aux hostilités.

La justice internationale
implique la responsabilité et la poursuite des individus ou des États pour des violations graves de ces règles lors de conflits armés.

GÉNOCIDE

Site mémoriel de Nyamata, Rwanda, Inisheer, CC BY-SA 3.0

Un génocide est une forme extrême de violence où des actions délibérées sont entreprises dans le but spécifique de détruire un groupe en raison de son appartenance nationale, ethnique, raciale ou religieuse.
Ce terme apparaît pour la première fois en 1944 dans le livre du juriste américain d’origine juive polonaise Raphaël Lemkin dans son ouvrage Axis Rule in Occupied Europe. Il y écrit notamment au chapitre 9 :
“Par ‘génocide’, nous entendons la destruction d’une nation ou d’un groupe ethnique. Ce nouveau mot […] ne signifie pas nécessairement la destruction immédiate d’une nation, sauf lorsqu’il est réalisé par des meurtres en masse de tous les membres d’une nation. Il entend plutôt signifier un plan coordonné de différentes actions visant à la destruction de fondements essentiels de la vie de groupes nationaux, dans le but d’exterminer les groupes eux-mêmes. Un tel plan aurait pour objectifs la désintégration des institutions politiques et sociales, de la culture, de la langue, des sentiments nationaux, de la religion et de la vie économique de groupes nationaux, ainsi que la suppression de la sécurité personnelle, de la liberté, de la santé, de la dignité, voire de la vie des personnes appartenant à ces groupes. Le génocide vise le groupe national en tant qu’entité, et les actions en question sont dirigées contre des individus, non pas ès qualité, mais en tant que membres du groupe national.”

Un génocide, selon Lemkin, ce sont donc des actes intentionnels commis dans le but de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux. Ceci implique deux aspects majeurs :
1. Actes : Il peut s’agir de meurtres, de tortures, de déportations, de privations de ressources essentielles, de stérilisations forcées, ou d’autres actes visant à causer des souffrances physiques ou mentales graves.
2. Intention : La clé du génocide, explique Lemkin, est l’intention de détruire le groupe. Cela signifie que ces actes ne sont pas simplement le résultat du chaos ou de la guerre, mais qu’ils sont délibérément planifiés pour éliminer tout ou partie d’une communauté particulière.

Raphaël Lemkin

En plus de la définition de Raphaël Lemkin, d’autres chercheurs et juristes ont également proposé des définitions du génocide. Ces définitions peuvent présenter des nuances, mais elles partagent généralement des caractéristiques similaires.

– Définition de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (adoptée le 9 décembre 1948[2]): Le génocide comprend des actes tels que le meurtre de membres du groupe, des atteintes graves à l’intégrité physique ou mentale des membres du groupe, des mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe, ou le transfert forcé d’enfants d’un groupe à un autre.
– Définition d’Isidor Rajs : Dans le Dictionnaire de la Shoah (Larousse, 2009), ce survivant de la Shoah propose une définition qui met l’accent sur l’idée que le génocide est un acte de destruction intentionnelle d’un groupe en tant que tel, indépendamment de l’ampleur des destructions physiques.
– Définition d’Helen Fein : Dans Accounting for Genocide: National Responses and Jewish Victimization during the Holocaust (The Free Press, 1979), la chercheuse américaine propose une définition plus large qui inclut des formes de génocide culturel et social, en plus du génocide physique. Elle suggère que le génocide peut impliquer des actes visant à détruire l’identité culturelle et sociale d’un groupe.

Chacune de ces définitions a ses spécificités, mais elles convergent généralement vers l’idée commune que le génocide implique des actes intentionnels visant à détruire un groupe en tout ou en partie en raison de son appartenance à un certain critère, que ce soit racial, ethnique, national, ou religieux.

Il est souvent compliqué de faire consensus sur la reconnaissance d’un génocide en raison des implications politiques.
Cependant, la France reconnaît trois génocides: le génocide arménien (1915-1923), la Shoah, le génocide des Tutsis au Rwanda (1994). Les Nations unies ne reconnaissent pas le génocide arménien mais reconnaissent en plus le génocide bosniaque (1992-1995,) et en particulier le massacre de Srebrenica (à travers notamment la condamnation par le TPIY le 2 août 2021 de Radislav Krstić pour génocide), et le génocide du Darfour (depuis 2003). D’autres États, institutions ou historiens considèrent aussi le génocide des Amérindiens, le génocide des Herero et Nama dans le Sud-Ouest africain allemand (1904-1908), l’Holodomor en Ukraine (1932-1933), le génocide assyrien, grec et arménien pendant la Première Guerre mondiale dans l’Empire ottoman, le génocide des Tutsis au Burundi (1972), le génocide khmer (1975-1979). Depuis 2010, Omar el-Béchir, président soudanais, est sous le coup d’un mandat d’arrêt émis par la CPI pour crime de génocide. En décembre 2015, le Tribunal du district de La Haye qualifie le gazage des Kurdes d’Irak de crime de génocide.

CRIME CONTRE L’HUMANITÉ

Le banc des accusés lors du procès de Nuremberg en 1945 Raymond D’Addario, Public domain, via Wikimedia Commons

Les crimes contre l’humanité, selon l’article 7 du Statut de Rome comprennent certains actes graves et systématiques commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique contre toute population civile, en temps de paix ou en temps de guerre. Ces actes sont énumérés comme suit : le meurtre; l’extermination; la réduction en esclavage; la déportation ou le transfert forcé de population; l’emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international; la torture; le viol, l’esclavage sexuel, la prostitution forcée, la grossesse forcée, la stérilisation forcée, ou toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable; la persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs d’ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste, en violation du droit international; le crime d’apartheid; d’autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé physique ou mentale.

Ces actes, s’ils sont commis délibérément et en violation du droit international, peuvent être qualifiés de crimes contre l’humanité. La Cour pénale internationale (CPI) a compétence pour poursuivre et juger les individus accusés de tels crimes, et les tribunaux nationaux peuvent également exercer leur compétence pour juger ces crimes conformément au droit international.

CRIME DE GUERRE

L’adolescente Maravillas Lamberto, violée et assassinée en 1936 pendant la guerre d’Espagne.

Le crime de guerre est défini comme une violation grave du droit international humanitaire, qui réglemente le comportement des parties en conflit armé. Ces crimes sont commis pendant un conflit armé, qu’il s’agisse d’un conflit international ou d’un conflit interne, et ils peuvent être commis par des membres des forces armées ou par des acteurs non étatiques impliqués dans le conflit.
Selon le droit international, les crimes de guerre incluent un large éventail d’actes graves tels que : le meurtre délibéré de personnes qui ne participent pas directement aux hostilités; les atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé des personnes; la prise d’otages; la torture ou les traitements inhumains; le fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou de porter gravement atteinte à la dignité humaine; le ciblage délibéré de civils qui ne participent pas aux hostilités; l’utilisation disproportionnée de la force militaire; la destruction injustifiée de biens.
Les crimes de guerre sont strictement interdits par le droit international, y compris les Conventions de Genève et leurs Protocoles additionnels. Les personnes accusées de crimes de guerre peuvent être traduites en justice devant des tribunaux nationaux ou internationaux.

LE DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE

Document original de la première convention de Genève

Le droit international humanitaire, également appelé droit des conflits armés, est un ensemble de règles et de principes qui régissent le comportement des parties en conflit armé. L’objectif principal du droit international humanitaire est de limiter les effets des conflits armés et de protéger les personnes qui ne participent pas directement aux hostilités, ainsi que celles qui ne prennent plus part aux combats.
Les principales sources du droit international humanitaire comprennent :
Les Conventions de Genève : Ces conventions, adoptées en 1949 et mises à jour en 1977, établissent des règles pour la protection des personnes affectées par les conflits armés, y compris les blessés et les malades sur le terrain, les prisonniers de guerre, et les civils.
Les Protocoles additionnels aux Conventions de Genève : Les Protocoles additionnels I et II de 1977 étendent les protections du DIH aux conflits armés non internationaux et renforcent les droits des personnes touchées par les conflits.
La Convention de La Haye de 1907 : Elle énonce des règles supplémentaires sur la conduite des hostilités et la protection des biens culturels en temps de guerre.

Les principes majeurs du droit international humanitaire comprennent la distinction entre combattants et civils, la protection des personnes qui ne participent pas directement aux hostilités, l’interdiction de la torture et des traitements inhumains, et le respect des droits fondamentaux, même en temps de guerre. Les violations du DIH peuvent être jugées devant des tribunaux internationaux, tels que la Cour pénale internationale, ou devant des tribunaux nationaux.

Sur ce sujet, relire le hors-série 2018 de Tenou’a,
“La Justice après la Shoah”

NOTES
[1] À propos du terme “libération” concernant les camps d’extermination nazis, lire l’entretien avec Annette Wieviorka, “Le hasard et la stupéfaction”, paru dans le hors-série 2015 de Tenou’a.
[2] Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1948, Article II :
Dans la présente Convention, le génocide s’entend de l’un quelconque des actes ci-après, commis dans l’intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :
a) Meurtre de membres du groupe;
b) Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe;
c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle;
d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe;
e) Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe.