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Ce petit mot au fil de soi

Organisatrice en 2004 au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme de Paris du colloque « Shmattès, la mémoire par le rebut » pour l’Université Paris 7 et l’Université Bar-Ilan, la psychanalyste Céline Masson revient sur ce petit mot qui a tant à nous dire sur nous-mêmes et sur l’histoire.

Lorsque je préparais le colloque « Shmattès, la mémoire par le rebut » au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme en 2004, j’interrogeais mon grand-père Paul Pessah Solinski et je lui demandais ce que ce mot évoquait pour lui. Il me dit alors « shmattès, c’est soi-même ».
Que voulait-il dire alors?

Shmattè est un mot d’argot yiddish (qui se prononce [shmatta]) et qui désigne un vieux chiffon, un tissu de peu de l’ordre du rebut. Ce mot vient du polonais szmata qui signifie le chiffon, la loque mais aussi quelqu’un qui a les pieds tordus, qui ne marche pas droit ou encore un homme faible. Il évoque surtout le métier de tailleur et celui de la confection, pour le premier, métier de la coupe et du tissage, de la chute et de la reprise et pour le second celui des fringues et des vêtements sans grande valeur.

Quels sont ces restes qui survivent dans les strates les plus enfouies de la mémoire ? Quel usage faisons-nous de ces rebuts de langue qui chutent hors la langue parlée et qui pourtant demeurent au plus près de soi ? Un silence les enveloppe d’un voile de refoulement qui ne manque jamais de se soulever au moindre souffle de l’histoire qui toujours transporte ses fantômes.

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