Confessions d’une ex-carnivore

Dans Confessions d’une mangeuse de viande, la juriste et chroniqueuse Marcela Iacub, spécialiste des questions de bioéthique, interroge avec impertinence les habitudes carnivores de nos sociétés.

« Je me sens coupable d’avoir mangé de la viande. »
Trois questions à Marcela Iacub

Pourquoi avoir écrit des « confessions » d’une mangeuse de viande ? Considérez-vous le fait d’être carnivore comme un péché ? Le végétarisme est-il une « religion » à laquelle on se convertit ?
Je me sens coupable d’avoir mangé de la viande pendant toute ma vie. J’ai honte d’avoir été de si mauvaise foi, de n’avoir pas voulu voir véritable ment ce que je faisais à chaque fois que je mettais un morceau de viande dans ma bouche. Pour moi, être carnivore est intolérable. C’est une manière de vivre qui est en contradiction avec nos intuitions morales les plus élémentaires. C’est pour- quoi, dans notre société, on doit cacher le meurtre des animaux. Il suffirait de se rendre compte de ce qui est fait aux animaux, afin de pouvoir manger quelque chose dont nous n’avons pas besoin, pour en être choqué et cesser de manger de la viande.

Considérez-vous que votre culture juive et votre judaïsme ont joué un rôle dans votre démarche ? Selon vous, est-ce « juif » que de s’intéresser à la place de l’animal dans notre société ?
Être juif, pour moi, c’est être du côté des persécutés. Comme je n’ai pas eu d’éducation religieuse, la seule chose qui me soit restée du judaïsme est l’antisémitisme, la persécution, le meurtre de masse. Je me dis toujours que, si j’étais née quelques décennies auparavant, on m’aurait traitée comme si je n’étais rien, comme si ma vie et mon bonheur n’avaient aucune valeur, comme si j’étais un ennemi et une proie. Les animaux domestiques me semblent parfois partager ce sort. Ils ne sont pas humains, bien sûr, mais ils sont sensibles et aiment la vie comme je l’aime, moi aussi. Et on les traite comme s’ils n’étaient rien, on les tue pour les manger, on les soumet à des expérimentations inutiles.

Êtes-vous surprise par les réactions que suscite votre livre ?
Mon livre a été très mal accueilli. Nous vivons dans une société trop moraliste qui a horreur de la morale. Nous aimons nous sentir bons, gentils, généreux. Quand quelqu’un vous dit que, en vérité, vous participez au martyre de tant de bêtes, vous préférez ne pas l’en- tendre. On n’a pas envie de rentrer dans ce marais sans fond que devient la morale lorsqu’elle est prise au sérieux. Or, je crois que c’est très important, et même salutaire, d’avoir honte de soi. Cette honte de nous-mêmes nous oblige non seulement à essayer de changer mais aussi à être moins durs lorsque nous jugeons les autres.