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Délit de faciès

© Miriam Cabessa – www.miriamcabessa.com

« Un peuple “vivant” dont toute la force collective réside dans sa capacité à gémir; à se cacher jusqu’à ce que passe la tempête; à se détourner de son frère misérable et à récolter quelques broutilles en cachette; à se frotter aux gentils pour gagner sa vie tout en se plaignant de leur perfidie – Aucun Dieu ne voudra rendre justice à un tel peuple, car celui-ci n’en est pas digne. »

Yosef Hayim Brenner, Anthologie, Tel-Aviv, 1985, Tome IV, p. 1286

Ce texte aux relents antisémites est pourtant le fruit d’un des plus grands intellectuels sionistes du début du XXe siècle, Joseph Haïm Brenner (1881-1921). Si Brenner n’était évidemment pas antisémite, ses écrits prônant l’émancipation juive du joug des nations comportent malgré tout une dimension inévitable d’intériorisation de thèmes antisémites. Pour s’en libérer lui-même, Brenner les rationalise inconsciemment en les appliquant à son tour non plus aux juifs dans leur ensemble, mais à ceux continuant un mode de vie diasporique. 

Si j’invoque la mémoire de Brenner, c’est que ces dernières semaines, un phénomène similaire a malheureusement traversé une large partie du monde juif, notamment en Israël. Alors que les thèses complotistes accusant les Juifs de la crise du coronavirus se développent à grande vitesse sur les réseaux sociaux, de nombreux juifs ont eux-mêmes tourné un doigt accusateur vers les populations ultraorthodoxes.

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