Édito : Cépage et ces pages

L’édito du rabbin Delphine Horvilleur

Je suis une enfant de la Champagne. J’ai grandi près d’Épernay, au cœur des vignes, dans un village dont la vie était rythmée par l’activité viticole et les vendanges.

Très jeune, il m’a semblé que le vin racontait une histoire à nulle autre pareille, celle du dialogue subtil entre nature et culture, entre l’œuvre de fermentation naturelle et le talent des hommes à créer un puissant assemblage.

Le Talmud et la vie rituelle juive l’énoncent à leur manière en bien des circonstances. C’est avec le vin et le fruit de la vigne que l’on sanctifie le temps qui passe, et chaque kiddoush vient raconter la conscience humaine du renouveau dans nos vies.

Et puis, le vin est associé au mystère, à l’ivresse, à la possibilité de modifier nos consciences, pour le meilleur et pour le pire. Le traité Erouvin l’affirme ainsi: « Là où le vin entre, le secret sort ». Et si le vin était la clé d’une porte mystérieuse ?

Un viticulteur juif m’a raconté un jour que la pensée juive a laissé des traces de cette idée dans le monde de la vigne et dans son vocabulaire. Il m’a affirmé par exemple que le mot « Chardonnay » était en réalité de l’hébreu francisé, et qu’il viendrait de l’expression biblique Shaar lAdonai, la « Porte de l’Éternel ».

Je doute de la véracité de cette théorie mais avouez qu’elle est un peu « grisante »… Elle aurait sans doute inspiré Rashi, le plus grand commentateur juif de tous les temps, exégète du Moyen-Âge et viticulteur… champenois.

Dans ces pages, vous retrouverez sa trace et celle de nombreux commentateurs, dans un cépage de rabbins, d’écrivains, de musiciens et d’auteurs qui explorent ensemble tout ce que l’alcool et le vin leur inspirent…

Vous avez entre les mains un grand millésime de Tenou’a, à consommer sans modération.

  • Brigitte Sion

Les vins israéliens

Vous vous souvenez du vin (trop) doux pour le kiddoush, dont la bouteille retournait au réfrigérateur une fois le rituel hebdomadaire accompli, avant d’être ressortie le vendredi suivant ? Jusqu’à une période récente, on associait le vin israélien à un commandement religieux mais certainement pas à une expérience œnologique. Qu’importe l’ivresse, pourvu qu’on ait le flacon, estampillé kasher. Mais pourquoi célébrer le Shabbat et les fêtes avec de la piquette sucrée ? Et pourquoi ne pas faire du nectar de la vigne un plaisir gustatif aussi en dehors du calendrier juif ?

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