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La mère (juive), le père et le psychanalyste

Le psychanalyste traditionnel s’appuyait sur la figure du père, tiers protégeant le sujet de la relation incestueuse avec la mère. La mère juive, figure de tous les excès, ne pouvait alors que faire office de repoussoir pour la psychanalyse. A contrario, une partie des psychanalystes contemporains a tendance, après Winnicott, à s’identifier à la mère dans le transfert. Mais quel écart entre cette mère-analyste « suffisamment bonne » et la mère ogresse des histoires juives ?

© Dede Bandaid, Untitled, 2020, Assemblage, 121 x 115 cm – Courtesy Zemack Gallery, Tel Aviv

La possibilité de l’absence, c’est ça, la sécurité de la présence», disait Lacan, ajoutant que le plus angoissant pour l’enfant, c’est «quand il n’y a pas de possibilité de manque, quand la mère est tout le temps sur son dos».

La mère juive est celle qui, guettant son arrivée par la fenêtre demande à son fils tout juste rentré s’il a pensé à elle : elle est celle qui ne s’absente pas, qui ne veut pas laisser la place à l’absence. Il y a une histoire juive que je trouve très parlante, celle de la mère juive qui offre deux cravates à son fils, et le lendemain, alors qu’il en porte une fièrement, lui dit : «Mais mon fils, tu n’aimes pas l’autre?». Elle dit bien l’impossibilité de satisfaire cette mère si dévouée. La mère juive est le modèle de la mère aimante, mais aussi envahissante et étouffante, celle qui fait tout pour son fils et dont elle attend tout en retour, se plaignant sans cesse de ne pas être comblée.

On connaît la position traditionnelle de la psychanalyse à cet égard : celui qui est censé faire barrage entre la mère et l’enfant en initiant par là même l’enfant au monde symbolique, c’est le père.

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