Bien sûr, on ne présente plus Maus, d’Art Spiegelman, le roman graphique qui fit entrer la Shoah par effraction dans le monde des comics dans les années quatre- vingt puis quatre-vingt-dix. Flammarion publie cette année un coffret splendide des deux volumes (Mon père saigne l’histoire et Et c’est là que mes ennuis ont commencé) accompagnés d’un livret de 16 pages contenant des planches inédites, Le passé plane sur l’avenir.
L’œuvre de Spiegelman, c’est ce récit zoomorphe croisé où l’on suit à la fois l’histoire de l’auteur américain lorsqu’il commence, dans les années soixante-dix, à interroger son père sur son passé, et le récit de ce père, justement, du milieu des années trente à la découverte des camps en 1945.

Il faut lire et relire Maus I et II, pour ce que ce roman apporte de lucidité sur l’indicible de l’Histoire en choisissant, précisément, de décaler le regard. Dans ce récit de près de trois cents planches, les Juifs sont des souris (Maus en allemand), les Allemands des chats, les Polonais des porcs et les Américains des chiens. On y croise aussi des poissons (anglais), des grenouilles (françaises), des élans (suédois) et quelques êtres hybrides, autant du moins que le permettait l’époque.