Le Lab NOGA, “Lev לב”, Les Psaumes revisités

Lorsque Noga vous emmène écouter les Psaumes – ses psaumes, nos psaumes – on a l’impression d’avancer à la fois en terrain connu et d’être emporté en terra incognita, un pied bien ancré dans la tradition et un autre qui s’envole à la rencontre d’autres sons, sans aucun sentiment de déséquilibre ou de malaise. Bien au contraire : on reconnaît les mots en hébreu, comme pithu li shaarei tsedekshir hamaalot ou hiné ma tovmais offerts à l’oreille avec des musiques nouvelles. Une plongée dans des textes anciens devenus universels et intemporels, auxquels Noga donne une texture neuve, une interprétation fraîche, une identité supplémentaire. Les Psaumes sont d’abord de la poésie attribuée au roi David, des mots qui se rencontrent, résonnent, s’entrechoquent, se répondent. D’autant plus avec les compositions musicales jazz, world, électro, de l’improvisation… Les vers ainsi revisités par la voix généreuse de Noga et ses rythmes engageants invitent à la relecture des Psaumes (tehilim) qui sont habituellement récités dans des circonstances incertaines voire inquiètes. LEV לב insuffle une autre émotion, une effervescence, une énergie qui pousse vers le haut et vers l’avant, qui ouvre l’horizon et mène au soleil.

L’artiste aux racines berlinoises, israéliennes et genevoises sort aujourd’hui son dixième album, le second en hébreu après NProject/Bereshit. Fruit de plusieurs années de recherches sur les Psaumes, leur signification, leur poésie, leur rythme, LEV séduit par sa vivacité sincère et sa joie communicative. Noga a retrouvé ses complices de longue date – Patrick Bebey au piano et Olivier Koundouno au violoncelle – tout en forgeant des alliances très prometteuses avec Arnaud Laprêt aux percussions (et mixage), Daniel de Morais au théorbe (un grand luth) et Asher Varadi à la guitare et à la basse électriques, au synthétiseur et au sampler. 

Chaque morceau est un bijou d’inventivité, et aucun ne ressemble à un autre : Eli Ata, un rythme chaloupé à cinq temps avec des envolées de shofar qui accompagnent une improvisation vocale jazzy. Honneni est une balade à travers champ (ou à travers chant ?) dans laquelle cordes et synthé avancent entrelacés. Il y a le vibrato envoûtant d’un violoncelle en ouverture de « Shir » et l’énergie électrique de Shalom Aleihem, qui exprime l’impatience à accueillir les anges du Shabbat. 

Peu importe si l’on comprend l’hébreu, si l’on reconnaît les vers, si l’on est familier des thématiques ou pas. La voix chaude de Noga nous guide vers un lieu ensoleillé, ouvert, généreux, lumineux comme elle et ses musiciens. On n’a qu’un seul regret : que l’album ne contienne que onze titres… mais on peut se réjouir de voir les musiciens sur scène lors d’une prochaine tournée européenne. 

Noga : LEV לב, label Evidence. Sortie le 14 avril. Téléchargement ici : https://bfan.link/lev-lb