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Un Rabbin, une Matrone et un Hérétique (entrent dans un bar)

À travers les récits de rencontres entre Sages et personnages plus inattendus ou moins recommandables, Noémie Issan-Benchimol montre comment, dans la littérature talmudique, cette rencontre avec l’Autre permet une véritable fécondation de soi et un ferment d’étrangeté intégrée au système, pour en assurer la vitalité, mais également la solidité.

 

Les traditions religieuses sont riches en récit de rencontres entre dieux, saints, sages, prophètes, avec des Autres hostiles, qui les mettent en difficulté, mais dont ils triomphent généralement, par leur intelligence, leur sainteté, leur langue acérée ou, au contraire, leur bonté contagieuse. Ces spectacles textuels de conversions, de victoires rhétoriques ou d’humiliation des opposants possèdent une double fonction : à visée interne (réassurance sur sa propre valeur, vérité, supériorité), et à visée externe (apologétique). Elles ont de plus une charge émotionnelle et cognitive importante pour les membres de cette tradition en ce qu’elles présentent un récit stéréotypé de mise en danger par la confrontation puis de victoire sur le danger.

La rencontre, même mythique ou seulement textuelle, expose. Mais vu que celui qui tient la plume est, au sens premier, intéressé, le risque est contenu, limité, et au fond, factice : l’issue a toujours été connue d’avance, l’Autre ne fait que cumuler les fonctions d’opposant et d’adjuvant à son corps défendant. Il n’aura été qu’un outil de propagande idéologique.

Ce n’est pas le cas dans la littérature rabbinique qui, non seulement regorge des récits de ce type, avec un empereur romain ou une prostituée péteuse, avec une matrone romaine qui pense qu’elle peut être plus efficace et besogneuse que Dieu lui-même en post-création du monde 1, ou encore avec un hérétique disciple de Jésus le Chrétien, mais qui, en plus, leur donne parfois l’avantage, si ce n’est la victoire.

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