Édito : Votre séance va commencer

L’édito du rabbin Delphine Horvilleur

Toute l’équipe de Tenou’a vous souhaite une excellente année 5779.
שנה טובה ומתוקה

Au jour de Yom Kippour de l’année juive 5700, soit le 23 septembre 1939, tandis que résonne le son du shofar qui clôture l’office de la Neïla, s’éteint à Londres un homme nommé Sigmund Freud. 

Le père de la psychanalyse meurt au jour le plus solennel du calendrier juif, celui où, dans la tradition, on répète à qui veut l’entendre que Dieu, seul, explore nos profondeurs et révèle nos secrets (boh’en levavot, golé amoukot) et qu’Il connaît l’insondable de nos êtres et scrute ce qui échappe à nos consciences (yodéa kol nahistarot). Nul à part Lui, dit-on ce jour-là, ne peut mettre pleinement à jour ce qui, dans le langage freudien, s’appelle l’inconscient. Mourir à cette date, pour un psychanalyste, relève ainsi presque du Witz, du bon mot ou d’un humour subtil. À se demander si Sigmund Freud n’avait pas volontairement choisi cette date. 

L’homme n’était sans doute pas un pilier de synagogue, mais son attachement à la culture juive ne fait aucun doute. Ses livres et ses écrits en témoignent parfaitement, tant y résonne son interrogation sur l’identité juive et ses mystères. 

Le propre du Juif, écrit-il, est « un je-ne-sais-quoi de miraculeux – jusqu’ici resté inaccessible à toute analyse ». « Si on [me] demandait: Mais qu’est ce qui est encore juif chez toi ? [… Je répondrais:] Encore beaucoup de choses, et probablement l’essentiel ». L’identité juive est, pour Freud, comme un mystère qui ne souffre aucune élucidation complète et qui échappe à l’analyse; la conscience d’un insondable. 

Voilà ce qui a donné à la rédaction de Tenou’a l’envie de s’allonger pour en parler. Ce numéro vous propose de faire une visite virtuelle et littéraire dans le cabinet du psychanalyste le plus célèbre du monde. Dans ce numéro, des écrivains, des comédiens, des philosophes, des artistes, des rabbins poussent la porte du 19 Berggasse, à Vienne, pour y retrouver la fumée d’un cigare, les objets d’une collection d’antiquités ou l’inquiétante étrangeté d’un divan. S’y allongent avec eux un Moïse qui bégaye, une mère juive inquiète, un fils rebelle de la Bible et bien d’autres encore…
Entrez, votre séance va bientôt commencer.