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Dionysos (et le) dieu des juifs

© Jossef Krispel, Untitled (Bacchus), 2014, acrylic and oil on canvas – www.krispel.info

« Les étés d’autrefois brûlent dans les bouteilles d’Yquem et les couchants des années rougissent le Gruaud-Larose. »

François Mauriac, Le Baiser au lépreux

Au Cinquième Livre de Rabelais, la prêtresse de la Dive Bouteille est nommée Bacbuc, « bouteille » en hébreu – langue que cet auteur avait apprise, comme beaucoup d’humanistes, sans doute en autodidacte. On a pu penser que la joie avec laquelle il entrelace son robuste français de mots hébreux, notamment après un voyage à Rome d’où il évoque dans une lettre la persécution des marranes, est liée à son rejet de l’intolérance papale (politique antifrançaise de Jules iii, condamnation du Talmud et autodafés…). En tout cas, sa riante prêtresse, celle qui ordonne à Panurge de boire (Trinch, dit l’oracle, « trinque ») cite, non sans sourire, Ezéchiel qui mangea un livre et en « fut clerc jusques aux dents : présentement vous en boirez un et serez clerc jusques au foie ».

L’épisode de Bacbuc viendrait d’un texte judéo-provençal réédité en 1552, soit au moment où Rabelais mettait la dernière main à sa propre épopée drolatique, et peu de temps avant sa mort – ouvrage carnavalesque et pseudo-prophétique, destiné à être lu lors des festivités de Pourim : ce Sefer ha-Bacbuc est un livre obscur, chaotique, où se joue toute une mystique du vin et de l’irrévérence grotesque1 .

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