
ANTOINE STROBEL-DAHAN Votre premier livre, L’amour sans visage, parlait de votre histoire et de la Shoah, et non de littérature. C’est aussi lui qui a fait de vous une écrivaine. Ou l’étiez-vous déjà depuis longtemps, en gestation ?
HÉLÈNE WAYSBORD L’écriture de ce premier livre m’a demandé beaucoup d’années et a été un long cheminement vers quelque chose d’effacé parce que trop douloureux, la disparition de mes parents durant la guerre, vécue comme un abandon tragique. J’ai toujours voulu écrire, c’était semble-t-il la seule solution pour moi. La disparition brutale avait été accompagnée de la seule parole d’une femme venue me chercher à l’école à la place de mon père « Tes parents sont partis en voyage ». Phrase inconcevable. il me fallait trouver les mots pour surmonter, pour accepter enfin la réalité. Si aberrant que cela paraisse, il y avait en moi une petite fille restée à la sortie de l’école attendant la venue du père. C’est seulement quand j’ai eu terminé L’amour sans visage que j’ai repris la correspondance de mon père durant les quelques mois où il fut prisonnier à Beaune-la-Rolande, que j’ai relu ses lettres, que je les ai ressaisies à la machine et qu’elles ont été publiées.