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LE RABBIN QUI ÉTAIT AUSSI ESTHÉTICIENNE

© Hana Jaegerwww.hanajaeger.com

On chercherait en vain une théorie esthétique dans le Talmud. Et pour cause. Le Talmud n’est pas un monde du sublime, c’est un monde du concret, des distinctions du droit, du quotidien. S’il y a de la beauté dans le Talmud, elle est baroque, compliquée, rabelaisienne. Beauté de la construction abstruse, inélégante, superflue, faite de traits d’esprit, de ratiocinations, dont la grandeur ne se révèle pas au premier regard mais après un long travail au corps. Beauté de la surprise aussi, de la superposition et rencontre des niveaux de langue et de formes littéraires diverses: l’hétéroglossie.

On y chercherait en vain également une philosophie de la beauté des corps aux accents néoplatoniciens, qui glorifierait la perfection per se, la beauté détachée de tout contexte marital, utilitaire et surtout, on peinerait à y trouver des accents poétiques ou érotiques. Daniel Boyarin utilisait d’ailleurs la notion de carnavalesque bakhtinien pour caractériser le rapport des Rabbins du Talmud à la chair.

Puisque c’est un monde textuel où la plume (faut-il rappeler que le pinceau de l’artiste, qui est aussi une figure de la plume de l’écrivain, veut littéralement dire « petit pénis » ?) est tenue par des hommes, le discours sur la beauté des femmes est bien souvent réprobateur (les attitudes et le vêtement comme signe de licence), moralisateur ou apologétique (la prière de la femme vaillante, eshet haïl, est à cet égard un morceau de bravoure, le spectacle d’hommes chantant « mensonge que la grâce, vanité que la beauté », sans y croire une seconde, a quelque chose de comique) ou tout simplement normatif.

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