
Le destin des héros grecs est tragique et inéluctable. Pauvres Œdipe et Electre et Médée et Iphigénie, pauvres Atrides. La tragédie grecque est tragique, il n’y a aucune échappatoire possible. Mais de l’antique Torah, toute aussi pleine de tristes destins, on ne dit jamais qu’elle est tragique. Pourtant, le premier couple condamné à souffrir et à mourir, Caïn tuant son frère, Abraham jeté dans une fournaise par son père, Joseph jeté dans un puits par ses frères, Moïse qui ne verra jamais la Terre promise, toutes ces tragédies s’achèvent au dernier moment par un douteux happy end censé faire oublier les destins tourmentés des héros bibliques. Au dernier moment, la ligne droite de la tragédie fait un twist, une torsion, par la grâce d’un Dieu qui le veut, les héros font une embardée chaplinesque et s’en sortent… Vraiment ?
L’histoire d’amour qui nous sera contée se met en branle au chapitre 28 de la Genèse. Jacob sort de Beer-Sheva et prend la direction de Haran pour y chercher une épouse. Il fait le chemin inverse de son grand-père Abraham qui avait quitté Haran et ne voulait surtout pas qu’Isaac son fils y retourne, fut-ce pour y chercher femme.