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Si c’est une fille

BILLET DE SEFWOMAN

Ma mère s’attendait à un cinquième garçon. Elle avait tout calé : le prénom, le mohel, le traiteur. Oui je vous parle d’un temps où les échographies morphologiques n’existaient pas.
« Ben alors, vous n’êtes pas contente ? Une fille après quatre garçons ça tient du miracle », avait dit le docteur.
Petite dernière après quatre frères, mon enfance et mon adolescence ont ressemblé à une longue garde à vue sans présence obligatoire d’un avocat. Dès qu’un garçon m’approchait, des indics n’ayant rien à envier à ces « Français anonymes » qui envoyaient des missives pendant la guerre, en informaient mes frères qui rappliquaient aussi vite que des journalistes de NRJ12 à une sortie au resto de Nabilla. Un meilleur ami ? « Tu as des frères, ça ne te suffit pas ? ». Une voix masculine demandait à me parler au téléphone ? J’en avais pour quatre mois de remontrances. Un samedi, à la synagogue un ado m’a souri. Mes frères m’ont cuisiné pendant trois jours avant de se rendre compte que le mec souriait à la fille assise derrière moi. Le jour de mes 16 ans, je revois mon frère dans la salle de bains, assis sur le rebord de la baignoire, me regarder me démaquiller la bouche que j’avais eu le malheur de rosir, à peine, avec un rouge à lèvres offert par une cousine.

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