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Comme un goût dans la bouche

L’an prochain en nostalgie de l’avenir

© Avi Yair, Sleepwalking, 2009, 36 x 55,5 x 3,6 cm – www.aviyairart.com

C’était pendant le mois d’avril de 2020, on était confinés depuis un mois. On avait le droit de sortir, mais une heure seulement, et un kilomètre seulement autour de la maison. Les gens portaient le masque comme des extraterrestres, ils n’en avaient pas encore l’habitude. On se croisait sur le trottoir sans se regarder, en s’écartant, comme des pestiférés. Dans mon quartier, je me souviens d’un dimanche de mars venteux et gris où tout était fermé sauf les pompes funèbres dont la vitrine était éclairée, avec des gens dedans, à côté de l’hôpital Cochin. Mon téléphone a sonné, c’était Orly Castel-Bloom, je lui ai décrit en riant ce que je voyais, le magasin des morts avec des clients dedans, un peu comme dans ses livres. Son appel était inattendu, elle s’inquiétait pour nous, j’ai continué de rire, croyant l’apaiser, mais elle a eu très peur pour ma santé mentale et m’a demandé de vite rentrer chez moi. Le virus n’était pas encore arrivé chez elle, elle ne savait pas de quoi je parlais, l’irréalité que nous avons tous vécue au quotidien. La peur les uns des autres, le silence dans les rues, la solitude, les sirènes du Samu, l’hélicoptère de la Pitié.

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