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Déchirer le deuil

Lorsque Jacob voit la tunique multicolore de Joseph souillée de sang, il déchire aussitôt ses vêtements en signe de deuil, raconte le chapitre 37 de la Genèse. Cette même réaction est attribuée au Roi David, lors- qu’il apprend la mort de son prédécesseur, le Roi Saül, et son fils Jonathan (II Samuel 1,11). Il en est de même pour Job (Job 1,20). Comme le disent les rabbins, ma’assé avot siman labanim, « les actions des anciens doivent être reproduites par les enfants ». C’est ainsi que ces modèles ont inspiré la pratique de la kriyah, la « déchirure » du vêtement des endeuillés, pratique qui était répandue chez d’autres peuples antiques, notamment les Cananéens puis les Romains. C’est peut-être un substitut à la tradition de certaines tribus antiques de se taillader le corps et de s’arracher les poils en « solidarité » avec le défunt, une pratique interdite dans le judaïsme (Deutéronome 14,1).

Un vêtement déchiré à l’image d’un cœur déchiré, une béance qui ne pourra jamais être parfaitement raccommodée, un trou qui ne sera jamais rapiécé. Les métaphores issues de la couture sont nombreuses. Mais la kriyah est à replacer dans un contexte psychologique particulier: déchirer son vêtement est, pour l’endeuillé, un exutoire pour sa peine, une soupape pour exprimer la douleur et la colère et qui l’envahissent, tout en fixant les limites de cette émotion.

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