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Poétique du vin séfarade

Il y a un an, Gabriel Abensour nous faisait découvrir comment les poètes séfarades chantent la beauté. Il poursuit cette exploration ce printemps en nous faisant découvrir un autre volet de cette poétique profane, autour du vin et de ses ivresses.

Née dans l’Espagne musulmane, l’Al-Andalous, la poésie profane reste une étrangeté au sein d’un judaïsme diasporique ayant consacré bien plus d’énergie à la prière et à la Loi qu’aux plaisirs et aux arts. Entre le Xe et le XIVe siècles toutefois, les plus grands noms du judaïsme espagnol concilièrent aisément leur statut de rabbin, philosophe ou talmudiste avec leur art. Si leur poésie liturgique fait aujourd’hui partie des livres de prières juifs, leur poésie profane a souvent été oubliée, pour connaître une timide résurrection avec l’avènement de la Haskala puis du sionisme. Pourtant, plus que tout autre texte, ce sont ces poèmes qui expriment un art de vivre à la séfarade, ouvrant une fenêtre sur cette civilisation où les juifs ne se voulaient pas simples passeurs de tradition, mais cherchaient à accroître leur héritage spirituel et culturel, n’hésitant pas pour cela à concurrencer dans l’art et les lettres avec leurs voisins musulmans et chrétiens.

La poésie profane séfarade a accordé une place de prédilection aux shirei ha-’heshek, littéralement « chants de désir », mêlant allégrement les désirs charnels aux plaisirs gustatifs. Parmi les nombreux poèmes consacrés au vin – qui formaient un genre distinct dans la poésie arabe – certains de ces chants étaient destinés à des festivités matrimoniales ou à des moments du calendrier juif, mais la plupart étaient simplement le fruit de festins et soirées arrosées, chez les poètes ou leurs mécènes.

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