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Sauver le complot du complotisme

Rejeter le complotisme ne peut se faire au détriment d’une saine vigilance à l’égard du complot. C’est bien contre le complotisme qu’il faut se vacciner, et la tradition juive peut y aider.

© Matan Ben-Tolila, Cat Steps, 2020, oil on canvas, 170 x 106 cm
Courtesy of Noga Gallery

S’il y a bien une idiotie du complotisme, il y a aussi une idiotie de l’anticomplotisme, moins souvent décrite. Dans sa version paresseuse, c’est-à-dire orgueilleuse et sûre d’elle-même, l’anticomplotisme est une forme d’identité intellectuelle fondée sur la distinction au sens bourdieusien : distinction d’avec les ploucs délirants, distinction d’avec les ignares paranoïaques. Elle ne coûte pas grand-chose en termes d’effort intellectuel pour un bénéfice maximal en termes d’image de soi et de place sociale. Elle produit des Monsieur Homais scientistes qui savent singer le discours de l’expert en tout. Ayant en horreur le doute et le scepticisme, et incapable de se tenir dans ce vide entre l’inquiétude justifiée et la paranoïa folle, elle a choisi : ce sera la certitude tranquille.

Cet anticomplotisme-là promet la confiance en un monde sûr, il a un petit sourire satisfait et dort sur ses deux oreilles. Il n’a qu’un seul défaut, et pas des moindres : il jette le bébé du complot avec le complotisme de l’eau du bain. Pour lui, le complot est systématiquement imaginaire et fantasque. Ce faisant, il vide le complot de toute existence réelle pour en faire un synonyme de délire ou encore de signe distinctif des faibles d’esprit face à la complexité du monde.

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